Scène 3 – Extrait

Mireille est au téléphone. Marcel est dans son atelier qui se situe côté cour.

Mireille : elle écoute, contrariée, essaie de prendre la parole, n’y arrive pas. Non…Non…Non puisque je vous dis que c’est pas possible…Dans le catalogue…Nous proposons ces services depuis plus de trente ans…Non mais calmez-vous ! Elle perd son calme. Non, ça ne se fait pas. Notre entreprise respecte la longue tradition familiale. Allo ? Allo ? …Oh la morue ! Elle m’a raccroché au nez ! … Marcel ! Marcel ! Elle se dirige côté cour. Elle est hors d’elle-même. Lâche ton cercueil il faut que je te parle ! Tout de suite !

Marcel : qu’est-ce qui se passe ?

Mireille : madame Duchemin a pété les plombs ! Elle m’a quasiment insultée au téléphone et finalement elle m’a raccroché au nez ! Jamais vu ça en trente ans de métier ! C’est quoi ces veuves qui savent plus se tenir ?

Marcel : attends, je comprends rien, pourquoi elle t’a insultée ?

Mireille : elle a des idées bizarres. Pour le tissu à l’intérieur du cercueil, elle dit qu’il est hors de question qu’il soit ni bleu ni crème et encore moins rose évidemment. Alors elle veut choisir dans un magasin un tissu qu’elle veut coudre elle-même ! Elle dit que son mari n’est pas un nouveau né et qu’on l’a déjà assez fait chier, c’est ce qu’elle a dit mot pour mot, quand elle a eu ses enfants, avec les chaussons bleus pour les garçons, roses pour les filles…Les bodys bleus pour les garçons, roses pour les filles…Et elle a continué sa liste comme ça c’était interminable ! J’arrivais plus à en placer une ! Une folle furieuse ! Elle avait l’air pourtant calme et abattue quand on l’a rencontrée la dernière fois ! Comme quoi il faut se méfier des apparences !

Marcel : ah bon, nos tissus ne lui conviennent pas ?

Mireille : et attends c’est pas tout. Notre catalogue pierres tombales…Et bien rien, pas une seule ne lui plait ! Elle trouve ça triste ! Parce que la mort c’est gai peut-être ? Non mais franchement c’est un enterrement pas un mariage ! Elle est consternée. Pas de granit, surtout pas ! Elle veut du bois ! Un livre géant en bois sculpté, parce que monsieur lisait beaucoup !

Marcel : et pourquoi pas ? J’arrive bien à faire des cercueils, pourquoi je pourrais pas essayer de faire un livre ? ça me changerait pour une fois ! Tu vois je crois même que ça me plairait de faire ça…